Le simple fait d’écrire ces deux mots côte à côte fait grossir une boule dans mon ventre, blêmir mes joues, collapser mon énergie à l’intérieur vers le bas.
Je choisis malgré cela de me redresser, d’ouvrir ma poitrine et mon coeur à travers ces mots. Ce n‘est pas tâche aisée que de faire ses « mea culpa » même si le faisant, nous y trouvons souvent un soulagement. Soulagement de reconnaître, de laisser partir ces parts qui nous ont été utiles quelques temps, parfois très longtemps.
Cheminant à travers les thérapies somatiques, le tantrisme, l’expansion de conscience, la recherche de soi/Soi depuis un bail, j’ai la chance de pouvoir descendre dans des strates inconnues ou non-visitées de ma personne. Les profondeurs les plus viles de l’humain, les espaces ou le « Lucifer effect » agit en nous comme en chacun.
Il y a quelques années, j’ai écrit des articles, un sur « le sexe de l’homme » et l’autre intitulé « les hommes beaux ». En les écrivant, surtout le premier, j’ai fait des recherches et j’ai été estomaquée du nombre d’articles sur le « féminin sacré » et rien sur le « masculin sacré ». Défenderesse du masculin que j’aime après un long chemin de réconciliation suite à des abus en tout genres, je vais souvent à contre courant. Car j’ai pu transmuter l’énergie du traumatisme en moi. Transformer l’énergie du traumatisme perpétré par le masculin, en une ressource intarissable qui me permet de sentir ce que je veux ou pas, ce qui est bon ou pas pour moi, comment je prends mon plaisir dans l’intimité ou pas et surtout ce pas qui change tout, je peux le dire et le faire respecter à présent.
Mais revenons au titre et voyons ce qu’est la prédation ensemble. Wikipedia dit ceci:
« La prédation (emprunt de la Renaissance [1574] au latin praedator, « voleur, pilleur », lui-même issu de praeda, « proie » et de prehendō, « prendre », qui exprime le fait de se saisir de quelqu’un ou de capturer une proie déterminée par sa poursuite. Relation de nature antagoniste, entre deux organismes, par laquelle une espèce dénommée prédateur, consomme entièrement ou partiellement une à plusieurs espèces dénommées proies, généralement en les tuant, pour s’en nourrir ou pour alimenter sa progéniture. »
Larousse dit ceci: « Mode de recherche alimentaire consistant à capturer une proie vivante et à l’ingérer ».
Je voudrais rétablir un équilibre, une sorte de juste balance. Ou encore aborder une thématique peu tendance. Ou plus simplement et là est mon intention première, partager un ressenti, une fraction de mes pensées. Je ne renie en rien les nombreuses violences associées au masculin toxique, j’en ai été victime précocement: abus d’autorité, abus en tous genres.
Il est si facile de critiquer les hommes encore plus à l’époque post « Me too » et « Balance ton porc », à l’époque ou la masculinité toxique est dénoncée et coute un bras aux états, elle n’est pas encore suffisamment punie.
Masculinité et féminité toxiques sont pour moi (c’est une opinion toute subjective de ce que j’ai compris à travers des lectures, des conférences, des échanges…) des conséquences du patriarcat à l’œuvre sur les femmes et sur les hommes. On en parle beaucoup moins et dans notre représentation (peut-être dans la réalité), les femmes sont bien plus souvent victimes de l’homme.
Accueillant depuis environ une dizaine d’années majoritairement en massage tantrique et thérapie, j’ai été abasourdie par le nombre de confession d’abus d’hommes par des hommes mais aussi par des femmes, par leur propre mère parfois!
La honte relative à ce genre d’évènements est très difficile à éprouver pour les hommes car ceux-ci sont formatés insidieusement comme les femmes par le patriarcat à l’œuvre dans toutes les chaumières. J’ai encore entendu hier un homme, hétéro cis (oui, oui!) dire alors que nous évoquions les abus encourus par les hommes, ceci: « Je n’arrive pas à intégrer l’idée des abus sur les hommes. En tant qu’homme, j’ai l’image que ce sont les femmes qui sont le plus abusées et je me sens honteux d’être un homme pour cela ». Il n’a jamais abusé ou violenté de femmes mis vous voyez les représentations basiques et collectives que la majorité d’entre nous se font.
J’en reviens au titre: « Moi prédatrice ».
J’ai constaté de l’intérieur et à l’extérieur en tant qu’observatrice/ animatrice lors des stages de Tantra et développement personnel, cette double tendance à la prédation: les hommes cherchent une nana avec qui partager du sexe, les femmes cherchent leur éventuel potentiel chéri. Je dresse une tendance majoritaire, il est certain que l’inverse existe aussi.
Pourquoi ne dénonce-t’on jamais ce dernier comportement?
Je me suis posé la question sans avoir de réelle réponse et je n’en cherche pas en fait. Remarquer cela à l’œuvre en moi, en prendre conscience de façon intime sans avoir à le partager était confortable.
L’identité de prédatrice affective n’était pas notifiable. j’étais stratégique: pas trop vite, pas trop de messages, ne pas montrer l’attachement, être tactique dans l’approche…
En écrivant je repense à ce merveilleux livre « La volonté de changer: les hommes, la masculinité et l’amour » de Bell Hooks.
Femme victime du patriarcat et du masculin, j’ai été implicitement éduquée à servir l’homme, à être son objet de sexualité, à effacer mes désirs, mes besoins pour ne pas trop être “chiante”. Ensuite, j’ai effrayé certains hommes par des aspects de ma personnalité plutôt masculins. D’autres qui ne pouvaient souffrir une femme qui dit ce qu’elle pense ou qui ne prépare pas le repas à 18h30 tous les jours. Après quelques déconstructions, je ne voulais plus me museler comme face à mon père en abus évident d’autorité et de violence et m’étais transformée en chihuahua qui aboyait à la moindre chose. Surtout ne plus m’abaisser, me laisser faire, ne plus être dans un pseudo consentement juste pour être en couple avec un homme ou lui faire plaisir. Je ne me retrouvais plus dans les clichés de dynamique de couple hétéro-normé.
Nous sommes égaux, simple à dire mais en tant que femme, l’expression de cette égalité dans la matière a été le fruit d’un long chemin.
Dans ce livre, Bell Hooks nous explique comment les hommes sont eux aussi victimes du patriarcat avec l’injonction implicite « un homme ne pleure pas » ou doivent par exemple jouer aux « Bad boys » avec les copains prépubères et à celui qui se fera le plus de nanas. Les jeunes hommes doivent presque du jour au lendemain mettre de côté leur sensibilité et sortir des jupons de maman. Quoi de plus normal, en étant presque forcés à se couper de leurs ressentis, d’utiliser le sexe ou la consommation de corps comme illusion de connexion? Quoi de plus normal alors que d’avoir peur lors d’une relation naissante -espace d’intimité- face à une invitation à adopter des comportements qui feraient d’eux des êtres trop sensibles?
“La masculinité toxique apprend aux hommes qu’ils doivent se montrer pathologiquement narcissiques, infantiles, et que pour se définir, ils dépendent des privilèges (même relatifs) qu’ils obtiennent en naissant. Par conséquent, beaucoup d’hommes ont l’impression que leur existence même serait menacée si on leur retirait ces privilèges. Dans le modèle du partenariat, l’identité masculine comme sa version féminine, serait centrée sur l’idée qu’il existe en chaque personne une bonté essentielle qui la rend intrinsèquement encline à nouer des relations. Au lieu d’affirmer que les hommes naissent avec la volonté d’agresser les autres, cette nouvelle culture affirmerait que les hommes naissent avec la volonté intérieure de se lier aux autres.
La masculinité féministe postule qu’il suffit aux hommes d’exister pour avoir de la valeur, qu’ils ne sont pas obligés d’agir, de performer pour s’affirmer et être aimés. Plutôt que de définir la force comme « un pouvoir sur », la masculinité féministe la définit comme la capacité d’une personne à être responsable d’elle-même et des autres.
La masculinité féministe aurait pour principales composantes l’intégrité, l’amour de soi, la conscience affective et l’affirmation de soi ainsi que des compétences telles que l’empathie, l’autonomie et la capacité à tisser des liens”.
Pourquoi ne pas me poser les questions à l’inverse de mon point de vue de femme? Comment ne pas tomber dans le piège de vouloir me lover dans l’illusion du confort romantique d’une relation qui va me sécuriser? D’un homme qui va me protéger, donner un sens à ma vie, remplir les vides là où ils sont. De cette dynamique si spontanée, de mettre mes envies et désirs à l’arrière plan.
« Pour offrir aux hommes de nouvelles manières d’être, il nous faut d’abord remplacer le modèle du dominateur/ prédateur par le modèle du partenariat, qui considère le lien entre les êtres et l’interdépendance comme la relation organique qui lie tous les êtres vivants ».
Á moi en tant que femme cisgenre à sortir du rôle de la victime tout en l’ayant été, à me regarder honnêtement et voir ces espaces où je crois avoir besoin de la relation? Comment (re) conquérir mes besoins et désirs? Comment poser mes limites? Comment investir mes droits, ne pas les réclamer mais incarner qui je suis? Ce que j’aime ou pas? Comment oser le dire? Comment me dire?
Comment être de réels partenaires affranchis de la posture du dominant et de la soumise? Comment ne pas tomber dans l’excès inverse?
Tout ce cheminement que j’ai fait, que je fais encore et qui fait partie de moi – peut-être suis-je le chemin dans tout cela?- m’a amenée à constater en moi ce côté « prédatrice affective ».
J’ai ensuite participé aux stages en étant complètement authentique, avec moi tout d’abord et ai été ma propre partenaire. J’ai pu me relier en exposant mes vulnérabilités, en cessant de dissimuler mes stratégies. J’ai découvert de nombreux masculins qui timidement osaient parler de leur réelle envie de connexion, de ne plus devoir être l’initiateur tout le temps. Des hommes qui ne demandent pas mieux que la femme prenne sa place d’initiatrice à leurs côtés sans pour autant démissionner du viril en eux. Équilibre difficile à établir. Nous avons échangé et communiqué là où le bas blesse dans les camps respectifs et trouvé des terrains de rencontre ou chacun.e prenait ses responsabilités, reconnaissaient ses manquements, ses peurs et difficultés.
Une multitude de questions on été soulevées: “Y a t’il des femmes dans les bras desquelles je peux me lover en tant qu’homme?””, “Existe t’il des relations intimes/ sexuelles où je ne dois pas dominer ou me rendre objet de l’autre, ne sachant pas comment me rendre sensible, ne sachant pas où est ma propre autorité tellement habituée à la concéder?”, “En tant qu’homme, dois-je mieux connaître la sexualité féminine que la femme elle-même?”, “Comment éviter de retomber dans la posture de la toute puissance?”, “Ou de la victime, de la soumise?”, “Comment oser se dire avec nos fragilités contraires?”, “Comment accueillir l’homme tout en restant ma propre partenaire?”, “Comment initier l’un.e ou l’autre à ses propres limites, à son.mon plaisir?”…
Toutes ces questions en chassé-croisé, le pari de changer comme le titre du livre de Bell Hooks. Ces espaces de questionnement partenaire comme moteur du changement.
Aujourd’hui, l’invitation est à cette conduite: être partenaires, être responsable de soi, savoir que l’on peut être aimé sans faire quoi que ce soit, apprendre à s’aimer réellement dans son caractère unique avant de plonger et se perdre en l’autre, créer une rencontre intime, réelle sans faux-semblant, sans incarner les stéréotypes qui doucement tombent en désuétude tout en préservant intacte notre nature et tout en la laissant évoluer naturellement?…
Je souhaitais simplement partager une sensibilité, ouvrir des espaces de réflexion.
Ce petit papier comme un voyage dont les questions furent les points de repères pour avancer vers l’interrogation suivante. L’envie aussi de partager mon amour du masculin, de l’homme, cis ou pas, hétéro ou pas, monogame ou pas, grand, petit… Mon amour de la conscience également comme premier amant.
Avec sincérité,
Umâ
Merci infiniment pour ce partage 🙏❤️.
Le “mouvement masculin” se met en marche et bien de chemins s’offrent à l’homme qui prend la route à la conquête de lui-même.