C’est un de mes rares écrits au sein auquel, je vais te tutoyer. Dans les échanges verbaux au quotidien, je ne me permets jamais de tutoyer quelqu’un sans demander si la personne est d’accord. Même si cela me semble juste parfois, je n’aime pas imposer ma vision. Le lien commence là: moi ET l’autre, comment s’ajuste-t-on ensemble? Je déteste quand on me tutoie sans m’avoir demandé mon avis et souvent quand c’est imposé comme cela et bien je ne le souhaite pas, je ne le sens pas. Car l’autre qui m’impose sa façon n’a pas pris la peine de me demander si cela me va et je fais un pas arrière dans le lien directement.
Mais là, c’est venu comme ça. J’y ai réfléchi. Me suis renseignée même sur ce choix. Le tutoiement effacerait toute notion de hiérarchie. Le « Tu » en écrit public est souvent réservé aux enfants. Là ce que je ressens, c’est que j’ai besoin de confier, de te toucher et d’avoir ton ressenti. De me sentir reliée, connectée à l’instar de ce récit où justement la connexion était nécessaire et n’a pas été.
Alors, voilà…
Tu sais j’ai été me faire masser il y a deux semaines. Le 26 Octobre à 15h, c’est encore bien imprimé dans mon esprit. Je ne vais pas souvent me faire masser, moi qui pourtant prodigue des massages depuis 23 ans maintenant. L’histoire des cordonniers… Là, je tente d’inverser la tendance, mais quel périple !
Alors que j’arrive au lieu de rendez-vous, je sonne à la porte. Celle-ci s’ouvre, j’entre dans un couloir et découvre que je suis dans une sorte de centre dédié à l’enfance, la périnatalité . Personne ne m’accueille. Je m’assieds sur les chaises dans ce couloir, mais ne suis pas certaine d’attendre au bon endroit. Je suis impatiente et heureuse de m‘être offert cela. J’observe ce nouvel environnement. Je déambule un peu à travers des couloirs et pièces vides. Toujours l’incertitude de savoir si j’attends au bon endroit.
J’entends derrière une porte à proximité une conversation animée entre deux collègues, dirait-on, des rires, de l’intensité, des rires à nouveau. Je comprends tout ce qu’elles se disent. Quelques minutes s’égrainent. Je pense que ce n’est certainement pas la masseuse que j’entends. Elle a entendu la porte s’ouvrir et mes petites toux pour signaler que je suis là. Si j’entends tout, elles aussi. Nous après tout situé de part et d’autre de la même porte qui laisse passer tous les sons.
Cinq minutes, puis dix minutes, douze… Je décide d’appeler et finalement envoie un message pour signaler que je suis là.
Un quart d’heure passe…Il est exactement 15h16.
La porte s’ouvre et je vois une femme sortir de la pièce. Elle me salue par mon nom donné au téléphone. Je la vois s’éloigner et lui demande si je dois la suivre, elle rigole en disant non ce sont les toilettes là. Je n’en sais rien, car à part le « Bonjour Umâ », je n’ai aucun autre détail ni « Désolée j’ai pris du retard ». Retard pris en papote et plaisanteries hein!! Rappelle-toi j’entendais tout. Faisant le même métier, je comprends bien que l’on puisse accumuler du retard. Certaines personnes ont besoin d’échanger après le massage ou de prendre le temps avant de repartir ou de confier quelque chose… Mais non là, c’est du plaisir perso.
15h19, la personne avant moi sort du cabinet et la masseuse m’invite à entrer.
J’ai bientôt 50 ans et de l’arthrose à la nuque et au bas du dos. Les muscles à ces deux endroits sont tendus et douloureux et j’ai. Besoin que l’on prenne soin de moi. J lui explique et la réponse est:
– « Vous faites du sport ? »
– « Non, mais mon métier est déjà bien sportif. »
– « Moi je fais du sport régulièrement »
– « … » So what je me dis…
La nana n’a pas 40 ans et est incapable de m’entendre et ramène à elle. Hum déjà un soupçon en moi, tu vois quand tu commences à ne pas le sentir.
Elle ne pose pas beaucoup de questions, mais de moi-même je lui indique les endroits où j’aimerais qu’elle insiste: nuque et bas du dos.
Je suis invité à m’allonger sur le dos. Je monte sur la table et me retrouve en culotte face à un plafond terne au milieu d’une pièce froide. Même si je suis très à l’aise avec la nudité, je me sens trop vulnérable dans cette position dans cette situation avec cette personne. S’allonger peut parfois refaire surgir de la vulnérabilité, c’est pourquoi jamais je ne commence un massage quand je le donne avec la personne allongée sur le dos. Toujours sur le ventre. On montre d’abord la face arrière, celle qui protège, la moins vulnérable en premier. Et après un moment de massage où on peut jauger le toucher, si on se sent en sécurité pour s’abandonner, seulement après tout cela, lorsque la face arrière a été massée, je propose de se retourner en tenant un tissu tendu entre moi et l’autre afin de respecter une sorte d’intimité.
Tu sais j’ai déjà arrêté des massages en cours tellement c’était le cauchemar, ce n’est pas une impossibilité pour moi. Je lui dis que j’ai froid. Elle me pose une couverture en polaire plus froide que ma peau sur le corps. Je frissonne.
Elle me demande:
– « Vous voulez de la musique? »
– « Oui pourquoi pas ? »
Elle pose son téléphone sur une étagère à côté de ma tête et lance la musique qui sort par les microphones du téléphone, pas d’enceinte… Un son de qualité monstrueuse évidemment emplit la pièce froide et peinte en gris.
Je me dis en dedans bon les conditions ne sont pas top, voyons le massage lui-même.
Je demande néanmoins s’il est possible de baisser le son du téléphone voire de l’éteindre, car c’est plus dérangeant que relaxant.
Elle commence à me masser avec de la crème! Moi qui ne mets que des produits naturels sur mon corps, je ne me maquille quasi jamais. Je vois qu’elle pompe sur une bouteille blanche de crème hydratante. Je pense aux précautions que je prends quand les personnes viennent se faire masser chez moi: si je dois savoir quelque chose sur la santé, s’il y a des allergies, je montre les super bonnes huiles ayurvédiques que j’utilise, je demande si la personne souhaite y ajouter des huiles essentielles ou pas.
Je m’invite à lâcher-prise malgré tout, car j’en ai envie et besoin de ce massage, besoin que l’on s’occupe de moi. Même si ce n’est pas du tout comme je fais dans mon cabinet peut-être bien que ce sera bien. Et puis ma petite nuque est folle d’impatience qu’on la prêtrise, adoucisse, reconnaissance dans sa souffrance.
Les gestes du massage sont répétés au moins 10 fois sans grande variété: le pied, le bas de la jambe, le haut de la jambe… une structure facile à suivre pour le mental qui est très pertinente parfois. Mais rapidement je perçois, je suis experte en la matière quand même rappelle-toi, que la pression et le geste ne sont pas adaptés à moi. Je ne sens aucune connexion entre elle et moi. J’ai sentiment qu’elle preste quelque chose au lieu de simplement être avec moi. Je me sens plus seule que jamais sur cette table avec une couverture qui a pris la température d mon corps, ben oui j’ai réchauffé la couverture.
Je demande une autre couverture, j’ai trop froid. Elle s’en étonne. Tu sais quand j’accueille des personnes en massage, il fait au minimum 24 degrés. On se met à nu et avec l’huile, c’est un peu comme si tu exposais un corps mouillé. Il faut donc faire attention à ne pas prendre froid. D’autant plus, je ne sais pas si tu es au courant, quand un corps se détend il perd quelque degrés.
Elle me fait même un commentaire en rajoutant une couverture me faisant comprendre que les autres n’ont pas si froid. Super, tu vois comme je me sens accueillie!
Je me retourne sur le ventre attendant impatiemment qu’elle arrive à la nuque et je comprends rapidement que ce sera un des derniers endroits visités dans sa structure de massage.
Je patiente, honnêtement j’ai subi en espérant que la nuque serait un peu soulagée, car pour être honnête elle a de la force dans les mains. La connexion n’y étant pas, j’ai l’impression d’être massée par un gros monsieur turc, l’image, le cliché.
Arrivée au bras droit, elle l’ouvre et l’étire tant que je risque de me retrouver hors de la table, tu sais je suis un petit gabarit et un poids plume. Le sursaut enfin pas tellement, car honnêtement je ne suis pas détendue du tout et j’ai de plus en plus froid.
Ma nuque reçoit cinq minutes de gestes mécaniques et répétés, elle ne prend même pas le temps de sentir les nœuds.
Nous voilà en fin de massage, elle repasse sur les pieds et dépose une nouvelle serviette toute froide dessus, l’horreur, je les tortille, les colles l’un sur l’autre dans une veine tentative de trouver un peu de chaleur.
Elle sort de la pièce et je saute sur le sol à la recherche désespérée de mes vêtements vite me rhabille et puis comme j’ai assez bien l’habitude avec le timing des séances de massage, je me dis qu’il y a un truc louche, c’est passé trop vite et alors que ce n’était pas chouette, justement le temps se ralentit dans ce genre de situation…
Je check l’heure sur mon téléphone, tu te souviens, je suis entré dans la pièce à 15h19. Il est 16h28, j’avais réservé un massage de 1h30, je te laisse faire les maths.
Elle revient et je lui dis que le massage a à peine fait 1h10, que je vais demandé 1h30, que je ne paierai pas 1h30 et là elle me répond avec une évidence désarçonnant:
– « Ah ben oui comme j’étais en retard, je n’ai fait qu’une heure !! »
Alors là!!! Elle reçoit en retard sans s’excuser, décide de changer la durée du massage sans m’en avertir et je suis prête à parier que si je n’avais rien dit j’aurais payé 1h30!!
Je lui explique que j’ai eu super froid, qu’à la fin ça faisait presque mal et là:
– « Oh ben, c’est bizarre, personne ne se plaint »